Résumé
Qu'importe que la cantatrice soit chauve puisqu'elle n'existe pas ! Dans cette petite "anti-pièce", première oeuvre dramatique de Ionesco, il n'est fait référence que deux fois à la cantatrice chauve, personnage dont on ne sait rien et qui n'apparaît jamais. Il s'agit bien là d'un Nouveau Théâtre, celui qui donne naissance à des pièces sans héros, sans sacro-sainte division en actes, sans action, sans intrigue, avec en guise de dénouement la quasi-répétition du début, et dont les traditionnelles retrouvailles sont remplacées par une parodie de reconnaissance d'une invraisemblance ahurissante.
Avis de lecture
J'ai apprécié la lecture de cette étrange pièce ou anti-pièce de Ionesco. Le titre de Cantatrice chauve intrigue, et finalement à la lecture on n'en sait pas plus. Cité à une ou deux reprises, on ne sait rien, on n'apprend rien de ce personnage absent.
Que dire des personnages qui n'ont rien des héros de pièce ordinaires : les Smith, un couple d'anglais qui s'exprime bizzarement, affirmant puis se contredisant. Il y a également ce dialogue étourdissant autour d'un certain Bobby Watson, mort laissant une femme seule, et d'autres personnes de la même famille portant toujours ce même nom. Il est flagrant avec ce couple-ci, plus qu'avec les Martins (au début du moins) que les personnages se parlent, mais ne s'écoutent pas.
Il y a donc aussi cet autre couple : les Martin. Invités à dîner chez les Smith, par une série de rapprochement, ils s'aperçoivent qu'ils sont mariés l'un à l'autre (situation assez improbable) et ont une fille,cependant ce fait nous est démenti par Mary la bonne dans un monologue scène 5.
Dans un premier niveau de lecture, cette anti-pièce absurde interpelle, fait sourire : du dialogue des Martin, à celui autour du fonctionnement de la sonnette (si elle sonne, c'est qu'il y a quelqu'un derrière, mais pas toujorus apparemment au vue de la situation...), le jeu de langage ou encore avec les multiples répétitions dans la dernière scène. Mais au delà de cela, on s'aperçoit que les conversations n'ont pas de sens véritable, la cacophonie règne et arrive à son sommum à la dernière scène où les personnages ne s'écoutent plus les uns les autres, parlent pour eux-mêmes.
C'est cette absurdité, et cette recherche de sens peut-être, qui m'a poussé à poursuivre cette lecture, mais aussi le rythme soutenue de cette pièce, composé en majorité de phrases courtes. Je serais curieuse de voir ce que cela pourrait donner sur scène. Mais sur Rouen, cela n'est pas joué (l'appel est lancé à tout hasard !).