Résumé
Défi, réquisitoire, utopie, ce livre mondialement célèbre, chef-d'œuvre de la littérature d'anticipation, a fait d'Aldous Huxley l'un des témoins les plus lucides de notre temps. Aujourd'hui,
devait écrire l'auteur près de vingt ans après la parution de son livre, il semble pratiquement possible que cette horreur s'abatte sur nous dans le délai d'un siècle. Du moins, si nous nous
abstenons d'ici là de nous faire sauter en miettes... Nous n'avons le choix qu'entre deux solutions : ou bien un certain nombre de totalitarismes nationaux, militarisés, ayant comme racine la
terreur de la bombe atomique, et comme conséquence la destruction de la civilisation (ou, si la guerre est limitée, la perpétuation du militarisme) ; ou bien un seul totalitarisme supranational,
suscité par le chaos social résultant du progrès technologique
Avis de lecture
Voici un livre sur lequel vous pourrez trouver moulte avis de lecture, fiche d'étude et d'analyse. Ici, je me contenterai de partager avec vous les points qui m'ont beaucoup plu dans
ce livre ou qui me paraissent important.
L'auteur commence son histoire dans le Centre d'Incubation et de Conditionnement de Londres Central, c'est surtout le prétexte de nous présenter un des fondements de
cette société utopiste, puisque c'est ici que naissent les enfants et sont conditionner pour leur vie d'adulte. De cela dépend la stabilité de la société. On apprend que cete société est
hiérarchisée en caste, chaque caste ayant un rôle bien particulier, les Alphas dirigent, les Epsilons, les Deltas effectuent de basses tâches. Entre deux, il y a aussi les Bêtas et les Gammas.
Cette première partie est assez dense pour un début, mais très intéressante.
Outre la personne du Directeur du Centre d'Incubation, c'est les vies de Henry Foster, Lenina Crowne ou encore Fanny et Bernard Marx qui sont au centre de cette
histoire. Leur relation nous permet de comprendre les règles sociales qui régissent la vie de l'ensemble des hommes. Une des premières règles, chacun appartient à tout le monde, ainsi
toute relation amoureuse n'est pas exlusive au contraire cela est très mal vu. Tout un tas de dicton jalonnent ce livre, ces dictons régissent la vie de chacun, puisque chacun a été conditionné
dès la naissance à cette fin. A ce moment-là, on peut se demander où est la liberté?
La liberté, voilà une notion qui ne semble pas au coeur des préoccupations de chacun, sauf de Bernard Marx. J'ai bien aimé ce personnage, ce marginal en
quelque sorte. C'est un alpha, mais malgré tout son physique (qui relève plus de celui d'un Gamma je crois, bref d'une caste inférieur) le rend différent des autres. Tenu à l'écart, méprisé par
ses semblables, il appréhende aussi le contact avec la classe inférieur : aura-t-il le respect dû à son rang, malgré cette apparence qui lui fait défaut ? Bernard évolue en marge pour de
multiples raisons. Cette différence fait qu'il est méprisé, fera qu'il sera aimé (mais d'une admiration qui sera purement opportuniste) pour à la fin retombé aussi bas. Je suis
volontairement vague. Cette chute d'un des héros de l'histoire, on comprend à la fin qu'elle lui est finalement salutaire.
L'arrivée de John, né d'une mère dans la Réserve sauvage et non dans un centre d'Incubation (à noter que sa mère est en revanche né dans un Centre) est
importante. Alors qu'elle visitait la réserve en compagnie d'un homme, elle y est laissée pour morte en quelque sorte (là je simplifie énormément) et est recueilli par des sauvages. Elle
ne trouvera jamais sa place dans ce village, en partie à cause de son conditionnement, il en sera de même pour son fils, rejeté par ceux de son âge à cause de sa mère. Si bien que lorsque
l'occasion s'offre à lui de rejoindre la civilisation, il y va. Mais finalement là aussi il ne trouve pas sa place. Son histoire est d'autant plus touchante et tragique. Son existence attise la
curiosité et lorsqu'il croit que la société civilisé le laissera en paix lorsqu'il décide de partir et de mener une existence solitaire dans la nature, il se trompe malheureusement.
Les trente dernières pages sont particulièrement intéressantes, parce qu'on assiste à un débat entre Mustapha Menier (un des administrateurs mondiaux), Bernard,
Helmholtz, puis avec le Sauvage John. Ce débat est centrée sur la liberté, l'utilité de la science. La science a fait cette société idéale, mais elle est aussi une menace pour elle que
Menier par exemple surveille afin d'éviter des dérives et la fin de la civilisation. On apprend que Bernard et Helmholtz, comme bien d'autres avant eux, ont des idées qui ne conviennent pas pour
vivre en société, si bien que leur mise à l'écart est de mise, mais une mise à l'écart qui peut leur être salutaire. Avec John, c'est un débat autour de Shakespeare, de la littérature, de la
religion qui a lieu : deux choses sacrifiées pour le bien de la civilisation selon Mustapha Menier. Voici une citation très parlante :
"Dieu n'est pas compatible avec les machines, la médecine scientifique, et le bonheur universel. Il faut faire son choix. Notre civilisation a choisi les machines, la médecine et le bonheur.
C'est pourquoi il faut garder ces livres enfermés dans le coffre-fort. Ils sont de l'ordure..." p.259
C'est ce bonheur qu'a choisi de servir Mustapha Menier, au détriment du sien, qui lui aussi a eu le choix d'aller sur une île et jouir d'une liberté à plusieurs niveaux. Le bonheur a un prix,
dit-il, il a choisi celui des autres et a payé pour ça.
Voici un magnifique roman d'anticipation, très actuel à notre époque où la mondialisation, l'omniprésence des publicités (qui peut-être un mode de
conditionnement en véhiculant des idées) régissent notre quotidien. Heureusement nous n'en sommes pas là, ça serait effrayant, mais ce roman a le mérite de mettre le doigt sur les dérives
possibles de la société en poussant sa société idéale à l'extrême.